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Les goélands de l'extrême Occident

Vacances en Bretagne par Fabia

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Pointe du Van, goeland Il y a des lieux magiques, des lieux de recueillement, des lieux de contemplation et des lieux d'incitation au rêve colonisés par les goélands. La Pointe du Van s'inscrit dans cette dernière catégorie. Avec les Monts d'Arrhés, la région de la Pointe du Raz est certainement la plus pittoresque de Bretagne. Pas un lieu en France qui n'inspire autant cette sensation d'être au bout du monde. C'est de cette sensation précisément que, étymologiquement, la région tient son nom, Finistère / Fini-Terre. Ici vous êtes proprement en danger, le climat y est atlantique, la végétation comparable à celle du cercle polaire, pas une habitation sur ces promontoires incisifs, on n'habite pas au bout du monde, le vent et la mer y sont furieux, la nature s'y exprime avec toute sa violence. On ne dénombre plus les naufrages et les noyés. Entre l'île d'Ouessant et l'île de Sein au large la mer est semée de récifs et parcourue de courants. Les passes sont dangereuses et le brouillard est fréquent. Qui voit Ouessant voit son sang, qui voit Sein voit sa fin dit-on. Un peu plus loin on a l'enfer de Plogoff, une immense cuve creusée par la mer où l'eau danse et tourbillonne. Aux heures des plus grandes violences, on peut, dit-on, y entendre gémir les âmes des trépassés. La baie des trépassés située entre la Pointe du Raz et la Pointe du Van, où la mer recrache ses naufragés, est pour les Bretons un lieu de communication avec l'autre monde. Nombre de légendes sont nées ici.

C'est dans cette ambiance de genèse ou d'apocalypse que nous avons rencontré quelques touristes. Les mêmes que partout, ceux qui, dans les chapelles et et les monuments, viennent et repartent, ceux qui croient tout savoir et impressionnent les autres par leur culture, ceux qui disent « que c'est beau ! » , qui ne quittent pas leur appareil photo, que l'on voit avec leur tenue multicolore et décalée. Mais ici, on les trouvait désemparés, désemparés devant toute cette fougue, cette démesure. Voilà enfin des touristes pris au pièges et voilà soudain qu'on les aime. Que pouvaient-ils bien se dire ici ? Comment déballer sa culture ? Car voilà ici ils se trouvaient face à la très grande nature, cruelle et froide. Il n'y avait rien d'autre à faire qu'à s'asseoir. Qu'à s'asseoir et rêver. Tous, interrompaient leurs conversations, ébahis, pour s'immobiliser devant l'immensité. Il était peut-être là le plus grand spectacle, ces touristes enfin touchés profondément par la puissance de la nature. Ils restèrent là de longues minutes à rêver, peut être à tous ces naufragés, peut être aux îles du large, peut-être à l'Ankou. Mais les voilà enfin, d'où qu'ils viennent et de n'importe quelle appartenance culturelle, pris à rêver ensemble dans un lieu extraordinaire qui touche à ce qu'il y a de plus profond et commun à l'humanité.


Novembre 2003 lipsheim.org